État du hockey sur glace à Paris et en Île‑de‑France
Une terre de hockey… mais des glaces qui fondent
Avec près de 4 000 licenciés au début des années 2020, l’Île‑de‑France représente environ 20 % des pratiquants français et se situe juste derrière l’Auvergne‑Rhône‑Alpes Les départements des Hauts‑de‑Seine et du Val‑d’Oise concentrent plus de la moitié des joueurs franciliens et le hockey est le sport de glace qui a le plus progressé dans la région (+55 % de pratiquants en dix ans, +1 000 joueurs en 2016). Ce dynamisme repose sur un public jeune : la moitié des licenciés ont moins de 14 ans et l’âge moyen tourne autour de 19 ans.
Derrière ce dynamisme se cache toutefois un paradoxe. La région abrite l’Aren’Ice de Cergy‑Pontoise, véritable vaisseau amiral du hockey français : deux pistes olympiques, 3 000 places, siège de la Fédération française de hockey sur glace (FFHG) et base des Jokers de Cergy en Ligue Magnusl. L’infrastructure, inaugurée en 2016 avec 15 millions d’euros de la région, a élevé la pratique de haut niveau.
Mais ailleurs, la glace recule. La patinoire Philippe‑Candeloro de Colombes a fermé définitivement en 2022 en raison de coûts de rénovation jugés prohibitifs. En 2024, la municipalité de Boulogne‑Billancourt a voté la fermeture de sa patinoire olympique (jugée vétuste et énergivore), entraînant l’arrêt annoncé de la section hockey de l’ACBB, pourtant forte de plus de 300 licenciés. Cette fermeture survient après celles de Yerres et Le Raincy en 2000, Le Vésinet en 2002, Athis‑Paray en 2005 et Deuil‑la‑Barre en 2017. Sur deux décennies, seules les patinoires de Meudon et de Cergy‑Pontoise ont ouvert.
Cette attrition s’inscrit dans un contexte national préoccupant : la France compte 134 patinoires permanentes, dont 98 répondent aux standards de compétition, avec un âge moyen de 38 ans. En Île‑de‑France, on recense 21 patinoires couvertes, dont 15 datent des années 1970 et six n’ont jamais été rénovées. La densité de glaces reste l’une des plus faibles d’Europe : environ un équipement pour 400 000 habitants, contre un pour 50 000 en Suisse.
Les conséquences sont multiples : créneaux d’entraînement tardifs ou mutualisés, déplacements inter‑départements pour s’entraîner, impossibilité d’ouvrir de nouvelles filières féminines ou loisirs faute de glace. La fermeture de Colombes a contraint 600 enfants à interrompre la pratique selon l’ancien patineur Philippe Candeloro, et le maire de la ville a rappelé qu’aucun projet alternatif n’est envisagé.
Des clubs locomotives et une base solide
Malgré ce manque de glaces, la région dispose d’un socle de clubs structurés :
-
Jokers de Cergy‑Pontoise (Ligue Magnus). Ils résident à Aren’Ice et portent le projet francilien dans l’élite depuis la montée en 2020. Leur centre de formation bénéficie des infrastructures fédérales.
-
Bisons de Neuilly‑sur‑Marne (Division 1). Présents de longue date au deuxième niveau, ils structurent une école de hockey importante et proposent du para‑hockey.
-
Comètes de Meudon (Division 1). Le club, qui évolue dans la patinoire de Bellevue, revendiquait plus de 500 licenciés avant la pandémie.
-
Français Volants (Division 2). Doïenne du hockey parisien (créée en 1933), l’équipe est basée dans l’enceinte multifonction Sonja‑Henie sous l’Accor Arena.
-
Clubs de formation. Les sections de Courbevoie, Asnières – Courtilles, Evry‑Viry ou Fontenay‑sous‑Bois assurent une pratique locale malgré la concurrence de créneaux.
Ces locomotives montrent la vitalité du hockey francilien : Meudon a animé la course à la montée en D1 en 2024 et Cergy est devenue une valeur sûre de la ligue magnus, malgré des problèmes financiers récurrents. Le public est au rendez‑vous : les Jokers remplissent régulièrement Aren’Ice et les Bisons attirent plus de 1 000 spectateurs par match, preuve d’un marché potentiel.
Qui joue au hockey en Île‑de‑France ?
L’IRDS note que le hockey francilien est très jeune : la pratique culmine à 7 ans et la moitié des licenciés ont moins de 14 ans. Les femmes restent minoritaires (8 % des pratiquants). Cette jeunesse explique l’importance des écoles de hockey et des créneaux horaires adaptés. Les écoles de Meudon, Cergy, Asnières ou Neuilly forment des centaines de débutants chaque année.
Les obstacles sont d’abord matériels : la surface horaire disponible sur glace reste très faible. Les clubs se partagent des patinoires polyvalentes (patinage, danse, hockey, loisirs) et obtiennent souvent des créneaux tardifs ou matinaux. Dans les départements privés de patinoire (Seine‑Saint‑Denis depuis la fermeture de Colombes, Yvelines hormis Mantes‑la‑Jolie), les pratiquants doivent parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour jouer.
Les marges de progrès
Le contraste entre Aren’Ice et la disparition des glaces parisiennes souligne l’urgence d’un plan régional de sauvegarde des patinoires. Alors que la FFHG et la région ont financé le centre national, d’autres collectivités ne parviennent pas à assumer les coûts de rénovation ou de modernisation. La fermeture de Boulogne‑Billancourt résulte notamment d’une remise aux normes énergétiques jugée trop coûteuse. Les collectivités invoquent également la lutte contre le réchauffement climatique pour justifier la réduction des consommations énergétiques des patinoires.
Plusieurs pistes sont avancées :
-
Sauvegarder et moderniser les glaces existantes : investir conjointement État‑Région‑Métropole‑communes pour rénover les patinoires d’Asnières, Neuilly, Paris 12/15, Mantes ou Meudon afin d’éviter de nouvelles fermetures. La région a déjà démontré sa capacité à financer des infrastructures (Aren’Ice).
-
Plan “Heures de glace jeunes et femmes” : allouer des quotas régionaux de créneaux avant 21 h pour les écoles de hockey et les sections féminines. Les clubs franciliens peinent à créer des équipes U11 ou féminines par manque d’heures de glace, malgré une demande croissante.
-
Créer une arène intra‑muros : imaginer un équipement modulable à Paris ou proche (réhabilitation d’un site existant ou construction d’une patinoire temporaire) pour accueillir des matchs de Ligue Magnus ou de Division 1 et répondre à l’essor de l’événementiel.
-
Assurer un dialogue entre les clubs et les collectivités : l’expérience de Meudon et de Cergy prouve qu’une patinoire peut être un lieu de vie et un levier économique lorsque les usages sont mutualisés (patinage, hockey, loisirs, évènements).
-
Développer la pratique féminine et le para‑hockey : en soutenant des structures comme les Bisonnes de Neuilly ou les Comètes de Meudon, qui accueillent des sections féminines et du para‑hockey.
Conclusion
Le hockey sur glace en Île‑de‑France est l’histoire d’un paradoxe. Jamais la région n’avait compté autant de joueurs, de jeunes pousses et de clubs ambitieux. Jamais non plus la rareté des glaces n’avait autant bridé cette dynamique. Alors que le pays s’enorgueillit de l’Aren’Ice, d’athlètes olympiques et d’une équipe de Ligue Magnus compétitive, des milliers de jeunes attendent un créneau pour patiner. Maintenir et développer des patinoires est donc une condition indispensable pour transformer ce réservoir de passion en véritables succès sportifs.